La VoIP OTT par BearingPoint

Jean Michel Huet – BearingPoint

L’année 2012 a vu une myriade d’acteurs essayer d’attaquer le cœur de métier des opérateurs télécoms, avec des produits de substitution à la voix traditionnelle et aux SMS proposés par ces derniers. Ces acteurs “Over-The-Top” comme Skype, ou WhatsApp ont eu un succès assez retentissant en récupérant une partie des revenus des opérateurs, avec des conséquences importantes sur leur business selon les pays (L’opérateur KPN subissant de plein fouet leur développement aux Pays-Bas). Les télécoms traditionnels sont donc concurrencés par des startups comme Viber (avec 90 millions d’utilisateurs, 1,5 milliard d’appels par mois et 2 milliards de messages de type SMS) ou des acteurs établis comme Apple avec iMessage avec 140 millions d’utilisateurs pour 1 milliard de messages par…jour. Il reste qu’un acteur de poids n’a pas encore réussi à percer sur ce marché, Google avec son produit Google Voice est à la traine, et n’a pas su prendre le train de l’OTT… du moins pour le moment.

 

Jusqu’à maintenant cantonné aux Etats-Unis, l’offre de messagerie voix, messagerie instantanée de Google est appelée à s’ouvrir à un nouveau marché mondial grâce au standard WebRTC. Ce protocole permet de proposer des fonctionnalités de VoIP au coeur du Web, accessible via n’importe quel navigateur compatible HTML5. Il permet de se passer de compte utilisateur, de numéro de téléphone ou d’adresse email. Le géant de Mountain View a racheté le fournisseur leader des solutions audio et vidéo, et a pour ambition de l’intégrer dans le navigateur. Le standard WebRTC  est une création de Google, qui le propose aux développeurs via des APIs afin de l’intégrer dans leur navigateur ou applications de leur choix, tout en le soumettant aux autorités responsables de normaliser le HTML 5.

 

La stratégie WebRTC  de Google a pour effet de limiter le “network effect” sur lequel se basent les services de VoIP: la communauté des utilisateurs amenant les tiers à y souscrire, ce qui permet d’auto-alimenter sa plateforme voix. Dès lors la monétisation se fait via plusieurs éléments : la publicité, la connectivité vers les systèmes de numérotation classique (terminaison d’appel), les services à valeur ajoutée tels que la conférence video, le partage de document, etc. L’intérêt pour Google est de réduire les barrières à l’entrée du marché de la communication VoIP, afin de réduire l’avantage des services dédiés existants, en replaçant une telle fonctionnalité au cœur du web.

Les Skype, Viber et consort contournent le modèle de Google système en ce sens qu’ils fournissent  directement un  service gratuit que recherche l’utilisateur, en lui proposant de la publicité tout en l’enfermant dans un silo, qui l’isole de Google et de sa régie publicitaire.

Un tel standard peut libérer l’utilisation de la voix, en démultipliant les cas d’usage, comme les liens publicitaires permettant une interaction voix avec un vendeur, des services de réseaux sociaux permettant de communiquer en groupe (Une “Chat room” voix pour les puristes).

Les opérateurs télécoms vont donc devoir faire face à une commoditisation accélérée de la voix et des services de communications, mais peuvent utiliser le WebRTC  à leur avantage en embrassant une approche web et en développant un écosystème basée sur une communauté de développeurs qui utiliserait leurs services au-delà de la simple voix, en proposant notamment d’intégrer l’initiative RCS et WebRTC , de garantir la qualité de service pour des sessions VoIP WebRTC , que ce soit via le navigateur ou toute application en en garantissant l’interopérabilité via ses propres serveurs et infrastructures, en intégrant la facturation de terminaison d’appel dans des buckets data, ou tout simplement en fournissant un service permettant l’identification de ses utilisateurs, afin de pouvoir bénéficier d’un annuaire. Les communications ne sont plus l’apanage des seuls opérateurs. Avec la convergence des télécoms et de l’informatique, les opérateurs sont concurrencés par des Google, Skype, HP, ou autres IBM.  Il devient difficile de savoir où s’arrêtent les applications et où commence le réseau de communication… pour les opérateurs la difficulté étant de délimiter les contours de leur métier et ce même dans le cadre d’une stratégie TIC.

Les acteurs existants de la VoIP se positionnent dans un monde télécoms data only avec l’avènement de la 4G, L’initiative Joyn-Rich Communication Suite et le standard voix VolTE ont permis aux opérateurs d’aborder le virage d’une VoIP qui remplacerait la voix traditionnelle. Il reste que les standards web sont en train d’empiéter sur ceux des télécoms, et que les opérateurs se doivent d’embrasser une approche qui leur est somme toute assez nouvelle afin de faire face à ces” OTT d’OTT“, ce qui suppose de passer d’un modèle de réseau fermé -appelé aussi “Closed Network Model'” ou NetCo -à un modèle de plateforme ouverte- WebCo ou Telco 2.0.

Jean-Michel Huet, Directeur Associé BearingPoint

Tariq Ashraf, BearingPoint

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